C'est à cet âge-là que le corps se réveille.
Faut dire que le mien était bien engourdi
Et, quand l'heure a sonné, comme j'étais dur d'oreille,
Je n'ai ouvert qu'un oeil et me suis rendormi.
Dans les boums aux sodas et aux premières bières,
Je voyais les copains changer de cavalière
Et tâter tous les fruits, mordre dans quelques-uns,
Me laissant le loisir de n'en goûter aucun.
Trop de timidité et trop de maladresse
Me poussaient vers le bar où rien n'est compliqué,
Mais la frontière est mince entre cran et ivresse.
Je l'ai franchie toujours et sans la voir jamais.
Rouge au couchant, beau temps.
Au levant, pluie ou vent.
Loin du coeur, loin des flammes,
Loin du regard des femmes.
Les jours étaient des mois et j'attendais la belle
Sans passer à l'action mais en laissant passer
Les douces occasions à la bouche rebelle
Dans les sens interdits des veinards d'à côté.

Décochant à ma glace des yeux de séducteur,
Je mettais à l'évier une main ferme au cul
En lui disant: "Chérie, rendez-vous à cinq heures.",
Alors qu'au pied du mur, je murmurais: "Salut."

La première fois, non, ce ne fut pas la bonne,
Comme c'est parfois le cas dans les milieux bourgeois.
Je n'étais que le fils de modestes personnes,
Sans une domestique pour m'initier à ça.